"Majdanek lieu de l'horreur et de la destruction.
Bełžec lieu de la mort, aucune autre réalité.
Deux lieux parmi la multitude, et tous ceux que l'on ne connaît pas encore.


Lorsqu'une amie m'a parlé de cette retraite je n'ai pas réfléchi, je lui ai dit J'y serai. Et j'ai accueilli cette certitude en moi. Puis au fil des jours, et aujourd'hui encore, les choses se sont posées. Le pourquoi de cette évidence, J'y serai.


J'y serai parce que j'y suis déjà. Tous les jours, dans chaque pensée, chaque parole, chaque geste, je vis l'intériorité et l'extériorité du monde. Tous les jours se pose la question de la frontière, entre le conscient et l'ombre, la paix et en son sein les émergences sans nom, le déjà et le pas encore, l'accepté et la souffrance. Et la réponse qui s'esquisse toujours au même endroit, à l'intérieur. Par le souffle, l'accès, l'ouverture sur cet espace que la douleur et l'aliénation, sous quelques formes qu'elles se présentent, ne peuvent atteindre. Cette foi qui m'est donnée qu'elles ne peuvent y entrer — sauf si je choisis de leur donner la clef. C'est ma responsabilité, je, le vivant en moi, garde le seuil. Je ne dois pas l'oublier. Je construis ce souffle.

J'y serai pour rendre la parole à cet espace du dedans, lui rendre toute sa place, apprendre avec lui à grandir. Et grandir dans toute la dimension de l'humain, sans rejet ni jugement. Sans séparation, sans bien ni mal, juste avec ce qui est. Comment nommer la paix si je me coupe en plusieurs? Est-ce que la vie sait ne pas aimer?

Grandir entière pour vivre libre, et chaque jour davantage, pour m'ouvrir et m'offrir au vivant qui est là.


Pour moi chrétienne, Christ, Fils de l'Homme, a traversé les enfers et est ressuscité. Fille/ fils de la femme je marche sur ses pas, je ne renie pas mes enfers, j'apprends à les aimer. Pour qu'ils ne souffrent pas de ne pas vivre. Je parle depuis l'intérieur parce que c'est ce qui m'appartient, ce que je peux nommer, mais entendez aussi que je reflète et porte l'extérieur.


J'y serai parce que face à l'actualité et aux enfers émergents, hurlants, brandis par nos médias ou tapis derrière eux, c'est quelque chose que je peux donner, un acte que je peux poser, en accord et avec ce que je suis.

J'y serai pour dire que pour moi ces morts, ces souffrances, ces atrocités et toutes ces négations de l'humanité ne sont pas vaines.

Je remercie. J'accueille ce visage de l'humain, cette part de notre immensité intérieure. Je me redresse. Gospodi Pomiluy, Seigneur donne-moi. Seigneur enfante-moi, c'est toi que je porte au dedans. Seigneur pardonne-moi, c'est moi qui crée ces réalités que je nomme enfers par mes ignorances et mes peurs ; ainsi je leur prête un visage que tu ne leur as pas donné. Seigneur enseigne-moi, à grandir comme un enfant.

Nous avons trouvé de la joie à Majdanek, et nous nous en sommes étonnés. Pourtant un prêtre y a trouvé la grâce. Pourquoi douter de la vie, de sa puissance, de sa générosité, de sa capacité à renaître? Est-ce que je sais seulement, réellement, être vivante? Etre libre? Sans peurs? Responsable?


J'y suis encore. Et je suis au monde."



Jany Pons Ballester
St Dramont, 26 octobre 2006

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